Neisseria meningitidis utilise ses pili de type IV pour adhérer aux cellules endothéliales et envahir les vaisseaux périphériques et cérébraux humain, un processus au cœur des maladies invasives à méningocoques (purpura fulminans et méningite). L'interaction entre les pili et les récepteurs cellulaires représente donc une étape clé dans l'adhésion du méningocoque aux cellules endothéliales. L’inhibition de la piliation, par des méthodes chimiques ou l’utilisation de mutants, empêche la colonisation des vaisseaux sanguins et améliore l'issue de la septicémie dans un modèle de souris greffées avec de la peau humaine.
Les pili de types IV sont des polymères de pilines assemblés en hélice par une machinerie dédiée. Ces pilines sont formées d’une longue hélice alpha, qui forment la structure interne du pilus, et d’un domaine globulaire présenté à la surface du filament. Dans la plupart des espèces exprimant les pili de type IV, la piline majoritaire porte les fonctions associées aux pili. Chez les Neisseria, le domaine globulaire de la piline majoritaire PilE est rendu hypervariable grâce à un phénomène d’échange allélique appelé variation antigénique. Cette variabilité permettrait d’échapper à la réponse immunitaire. Aussi, PilE assure la structure du pilus mais ce sont d’autres pilines dites minoritaires qui portent les fonctions associées à cette fibre. Par exemple, la piline ComP interagit avec l’ADN exogène et permet la transformation naturelle, alors que PilX permet l’agrégation entre plusieurs bactéries. Les chercheurs ont longtemps essayé de comprendre comment les pili de type IV des Neisseria permettent d’interagir avec des récepteurs cellulaires dans le contexte d’un pilus dont la séquence varie à la fois au cours du temps pour une même souche mais aussi entre les isolats.
Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés à la piline minoritaire PilV, connue pour être nécessaire à l’adhésion des bactéries aux récepteurs des cellules endothéliales. Les chercheurs rapportent ici la structure de PilV, modélisée dans la structure du pilus obtenue par cryomicroscopie électronique. Ils ont confirmé sa localisation au sein des pili par des approches biochimiques et par microscopie à super-résolution et identifié les résidus de PilV impliqués dans l'adhésion aux cellules hôtes. Enfin, les chercheurs ont montré que les acides aminés de PilV impliqués dans l’adhésion sont conservés parmi les souches de N. meningitidis. La piline PilV fournit donc des sites d’adhésions conservés dans le contexte d’un pilus dont la séquence de la piline majoritaire est variable. Ainsi ces résultats aident à expliquer comment N. meningitidis peut modifier la séquence de sa piline majoritaire PilE, d'une génération à l'autre, afin d’échapper à la réponse immunitaire de l'hôte tout en maintenant sa capacité d'adhérer aux cellules endothéliales de l'hôte. La séquence hypervariable de PilE présentée à la surface du pilus leurre le système immunitaire et favorise l’apparition d’anticorps neutralisants qui sont rendus inefficaces en raison de la variation antigénique, tandis que le PilV maintient la capacité d'adhésion du pilus.
L’étude est financée par l'Agence Nationale de la Recherche et l’Université de Paris
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Jean-Philippe Barnier, Julie Meyer, Subramania Kolappan, Haniaa Bouzinba-Ségard, Gaël Gesbert, Anne Jamet, Eric Frapy, Sophia Schönherr-Hellec, Elena Capel, Zoé Virion, Marion Dupuis, Emmanuelle Bille, Philippe Morand, Taliah Schmitt, Sandrine Bourdoulous, Xavier Nassif, Lisa Craig and Mathieu Coureuil. The minor pilin PilV provides a conserved adhesion site throughout the antigenically variable meningococcal type IV pilus. Proc Natl Acad Sci U S A. 2021, Nov 9;118(45):e2109364118. doi: 10.1073/pnas.2109364118