La transcription, un processus fondamental de l'expression des gènes
L’expression des gènes repose sur un processus fondamental : la transcription, par laquelle l’information génétique contenue dans l’ADN est copiée en ARN. Chez les eucaryotes, ce mécanisme, majoritairement pris en charge par l’ARN polymérase II pour les ARN messagers et certains ARN non codants, nécessite un contrôle strict tant de son initiation que de sa terminaison. Un arrêt inapproprié peut conduire à la production de transcrits aberrants, susceptibles d'interférer avec d'autres gènes et d'affecter l'organisation globale du génome. Cette étape finale, appelée terminaison de la transcription, est donc tout aussi critique que l'initiation ou l'élongation, bien que longtemps restée moins étudiée.
Dans une étude récente, menée à l’Institut Cochin (Université Paris Cité, Inserm, CNRS), des chercheurs ont identifié un acteur central de ce processus : la protéine SPT6. Connue pour son rôle dans l’accompagnement de la polymérase au cours de l’élongation, SPT6 se révèle également essentielle pour conduire correctement la transcription à son terme. L'absence de SPT6 entraîne une poursuite anarchique de l’activité de l’ARN polymérase II au-delà des limites naturelles des gènes, générant des transcrits anormaux qui peuvent envahir les régions voisines du génome. Cette "fuite transcriptionnelle" souligne l'importance d'une terminaison rigoureusement contrôlée.
SPT6, PCF11 et PNUTS : un réseau de partenaires pour un arrêt contrôlé
SPT6 n'agit pas de manière isolée. Les chercheurs ont mis en évidence sa coopération avec deux autres facteurs clés : PCF11, un élément du complexe de clivage et de polyadénylation, et PNUTS, un régulateur de la vitesse de l'ARN polymérase en fin de gène. PCF11 favorise le détachement de l'ARN polymérase du brin d’ADN en reconnaissant des signaux spécifiques situés à la fin des gènes, tandis que PNUTS agit en freinant la polymérase pour favoriser un arrêt efficace.
L'étude démontre que SPT6 joue un rôle central pour orchestrer l’action combinée de ces deux partenaires. En facilitant leur recrutement sur l’ARN polymérase II, SPT6 contribue à assurer que la transcription s’achève de façon nette et précise. En cas de défaillance de ce réseau de surveillance, la transcription se prolonge anormalement, favorisant l’émergence de transcrits parasites, notamment dans des régions sensibles comme les promoteurs où peuvent apparaître des ARN non désirés (PROMPTs).
Ce contrôle de la terminaison est crucial non seulement pour éviter la collision entre transcriptions voisines, mais aussi pour maintenir une lecture fidèle et ordonnée du programme génétique dans son ensemble.
Terminer pour mieux protéger le génome
Cette étude éclaire des mécanismes fondamentaux longtemps sous-estimés dans la régulation de l'expression des gènes. Elle met en évidence que la terminaison de la transcription est un processus actif, complexe, qui mobilise plusieurs facteurs en synergie. En empêchant la production de transcrits anormaux, SPT6, en collaboration avec PCF11 et PNUTS, contribue directement à préserver l'organisation et la stabilité du génome.
La capacité d’une cellule à activer les bons gènes au bon moment, mais aussi à interrompre proprement leur transcription, est essentielle pour maintenir son identité, sa fonction et son équilibre. Ces résultats rappellent que la fin d'un processus est aussi déterminante que son commencement, et ouvrent de nouvelles perspectives pour mieux comprendre la régulation fine de l’expression génétique dans les cellules humaines.
Publication
Bejjani F, Ségéral E, Mosca K, Lecourieux A, Bakail M, Hamoudi M, Emiliani S. Overlapping and distinct functions of SPT6, PNUTS, and PCF11 in regulating transcription termination. Nucleic Acids Res. 2025 Feb 27;53(5):gkaf179. doi: 10.1093/nar/gkaf179. PMID: 40103229; PMCID: PMC11915507.
Modèle de régulation de la terminaison de la transcription
Figure : Modèle de régulation de la terminaison de la transcription par SPT6, PNUTS et PCF11 aux promoteurs et aux extrémités 3’ des gènes.
A l’extrémité 3’ des gènes, SPT6, PNUTS et PCF11 empêchent la transcription au-delà des signaux de polyadénylation canoniques (readthrough)
Au niveau des promoteurs, SPT6 et PNUTS établissent un premier blocage pour limiter la production des ARNs antisens ou PROMPTs. Lorsque ce blocage initial est levé, PCF11 favorise l'accumulation des PROMPTs, soit directement, soit en inhibant le recrutement d'un autre répresseur.
Créé avec BioRender. Bejjani, F. (2025) https://BioRender.com/f07e489
