Soutenance de thèse : Génétique de l'Hyperplasie Macronodulaire Bilatérale des Surrénales : ARMC5 et KDM1A

Lucas Bouys

20 septembre 2022

Thèse
Lucas Bouys soutenance thèse

Infos pratiques

14:00 -
Salle Rosalind Franklin
Professionnel de recherche
Accès mobilité réduite

Thèse réalisée sous la direction de Jérôme Bertherat équipe Génomique et signalisation des tumeurs endocrines

Résumé

Contexte : L’Hyperplasie Macronodulaire Bilatérale des Surrénales (HMBS) est une maladie rare caractérisée par des macronodules surrénaliens bilatéraux, pouvant entraîner un hypercortisolisme (syndrome de Cushing). Une première cause génétique de l’HMBS non-syndromique a été identifiée en 2013 : des mutations constitutionnelles inactivatrices hétérozygotes du gène suppresseur de tumeur ARMC5, responsable de 20 à 25% des cas. L’atteinte surrénalienne bilatérale et la description de cas familiaux sans mutation d’ARMC5 suggèrent l’existence d’autres facteurs de prédisposition génétique. L’HMBS est une pathologie hétérogène sur les plans clinique, biologique et radiologique et sa présentation varie des incidentalomes surrénaliens bilatéraux sans hypercortisolisme clinique à un élargissement massif des surrénales associé à une syndrome de Cushing sévère.


Objectifs : Comprendre l’hétérogénéité clinique de l’HMBS, identifier de nouveaux gènes de prédisposition, mieux caractériser les patients sur les plans clinique, biologique et radiologique.


Méthodes : Les données cliniques de 352 patients cas index européens ont été collectées rétrospectivement pour étudier la corrélation génotype/phénotype. L’ensemble des variations d’ARMC5 a été recensé, incluant celles décrites dans la littérature et celles identifiées dans notre centre. Une analyse multi-omique, associant RNAseq, méthylome, miRNome, exome et SNP array, a été réalisée sur les échantillons surrénaliens de 36 patients opérés pour une HMBS.


Résultats : L’analyse de la série de 352 patients cas index génotypés pour ARMC5 confirme que les patients mutés ont un phénotype plus marqué que les patients non-mutés, en termes de sévérité du syndrome de Cushing et de l’atteinte surrénalienne. Tous les patients mutés ont une atteinte surrénalienne bilatérale claire en imagerie et au moins une possible autonomie de la sécrétion de cortisol, définie par un cortisol après freinage minute par la dexaméthasone supérieur à 50 nmol/L, alors que ces critères sont inconstants chez les patients non-mutés. L’association de ces 2 critères a une sensibilité de 100% pour la détection d’une mutation d’ARMC5 chez un cas index. Nous proposons que le génotypage d’ARMC5 soit réservé aux patients présentant ces deux critères simples afin d’augmenter le rendement du séquençage, avec un taux de mutation de 20%. Nous présentons 133 variants constitutionnels différents d’ARMC5, dont 38 jamais décrits dans la littérature, représentés majoritairement par des variants non-sens, faux-sens, et des insertions/délétions avec décalage du cadre de lecture. L’évaluation de la pathogénicité des variants faux-sens est parfois difficile, et se base sur leur fréquence en population, leur ségrégation dans les cas familiaux, les prédictions in silico, l’identification de seconds événements somatiques, et les études fonctionnelles disponibles. Cette analyse et les données fonctionnelles permettent une meilleure classification de nombreux variants faux-sens. L’analyse intégrée des données de génomique des échantillons de 36 patients HMBS révèle trois groupes moléculaires distincts : G1, comprenant les tumeurs des patients porteurs d’une mutation d’ARMC5 ; G2, les tumeurs des patients présentant un syndrome de Cushing dépendant de l’alimentation, médié par l’expression illégitime du récepteur du GIP par les cellules corticosurrénaliennes ; et G3, les tumeurs des autres patients avec phénotype plus hétérogène. L’analyse de l’exome identifie des mutations constitutionnelles inactivatrices hétérozygotes du gène KDM1A chez 5/6 patients du G2, constamment associées à une perte d’hétérozygotie dans la surrénale du bras 1p portant le locus KDM1A, aboutissant à une inactivation bi-allélique du gène.


Conclusion : Ces travaux permettent une meilleure caractérisation des patients porteurs d’HMBS, par la mise en évidence de groupes moléculaires distincts corrélés à l’hétérogénéité clinique de la maladie, l’identification de critères prédictifs d’une mutation d’ARMC5, et la découverte de la cause génétique de l’HMBS associée à un syndrome de Cushing dépendant de l’alimentation : le gène suppresseur de tumeur KDM1A.
Mots clés : Hyperplasie Macronodulaire Bilatérale des Surrénales, HMBS, Cushing, cortisol, syndrome de Cushing dépendant de l'alimentation, peptide insulinotrope glucose-dépendant, GIP, GIPR, génétique, génomique, ARMC5, KDM1A