Sous la direction de Benoit Chassaing, équipe interactions microbiote/mucus dans les maladies inflammatoires chroniques
Résumé :
Le tractus gastro-intestinal est colonisé par une communauté de micro-organismes, appelée microbiote intestinal. La relation entre l'hôte et son microbiote est symbiotique: l'hôte fournit aux bactéries des nutriments pour se développer, tandis que les bactéries assurent le développement immunitaire, la protection contre les pathogènes et la production de nutriments et de vitamines essentiels. La composition et la fonction du microbiote intestinal peuvent être influencées par plusieurs facteurs, dont l'alimentation et la génétique. Des changements délétères dans sa composition et/ou sa fonction sont associés à des maladies, telles que les maladies inflammatoires de l'intestin (MICI). Le fait que la transplantation fécal de patients atteints de MICI à des animaux sans microbiote (axéniques) soit suffisante pour transférer la susceptibilité à la colite suggère un rôle causal joué par le microbiote intestinal dans la promotion de ces pathologies chroniques. Pour contrôler la communauté microbienne intestinale, l'hôte a plusieurs mécanismes de défense: la présence d'une couche de mucus, la sécrétion d'immunoglobulines et de peptides antimicrobiens (AMP). Les AMP sont des peptides cationiques qui neutralisent les bactéries en perméabilisant leur membrane ou en limitant leur agrégation. Chez l'homme, les principales familles sont les défensines et les cathélicidines et leur importance dans la défense de l'épithélium et des muqueuses a déjà été rapporté mais le rôle joué par le microbiote reste controversé. Au cours de ce projet de thèse, à l'aide d'un modèle in vitro du microbiote (MBRA), j'ai criblé des AMP afin de caractériser leur impact sur la composition et la fonction de divers microbiotes humains sains. J'ai ensuite étudié la capacité d'un AMP (fragment HD51-9) identifié comme étant un modulateur du potentiel pro-inflammatoire du microbiote à protéger contre la colite induite chez la souris. Les résultats obtenus soutiennent l'hypothèse selon laquelle les AMP peuvent moduler directement le microbiote en protégeant contre l'inflammation intestinale. Les fibres alimentaires sont aussi un important modulateur du microbiote. Si l'alimentation du microbiote par les fibres alimentaires fermentescibles est connue pour être un facteur de bonne santé, leur impact sur l'inflammation intestinale chronique est plus complexe. Bien que des études épidémiologiques rapportent que la consommation de régimes riches en fibres est associée à une incidence réduite des MICI, d'autres suggèrent qu'une fois la maladie établie, certains patients présentent une intolérance à ces régimes. Il a été démontré, chez la souris, qu’une supplémentation en inuline et en psyllium exacerbe ou atténue, respectivement, la colite induite, dépendamment du microbiote. Au cours de ce projet de thèse, l'impact d’ inuline et psyllium sur des microbiotes humains sains a été déterminé in vitro et après transplantation dans des souris axénique. La composition et le potentiel pro-inflammatoire de certains microbiotes ont été fortement affectés (appelés "fibres sensibles"), tandis que d'autres ont été peu altérés (appelés "fibres résistants"). Uniquement la colites des souris transplantées avec des microbiotes fibres sensibles était exacerbée lorsque les souris été nourries avec un régime enrichi en inuline, et atténuée lorsqu'elles été nourries avec un régime enrichi en psyllium. Cette étude révèle l'efficacité du MBRA à identifier les microbiotes sensibles et résistants à la modulation par les fibres alimentaires, et souligne que la mesure dans laquelle ces fibres modifient la prédisposition à la colite et/ou la gravité de celle-ci est influencée par la composition du microbiote d’un individu. D'autres études sont nécessaires pour comprendre de manière mécanistique ces variabilité interindividuelle en terme de réactivité du microbiote à une exposition donnée, dans le but ultime de développer une médecine et une nutrition personnalisées basées sur le microbiote.