Hétérogénéité morphologique, génétique et protéomique des maladies macronodulaires bilatérales de la corticosurrénale

Florian Violon

26 novembre 2024

Thèse

Infos pratiques

14h00 - 23h00
Salle Rosalind Franklin
Professionnels de la recherche et médecins
Accès mobilité réduite

Sous la direction du Pr Jérôme Bertherat, équipe Génomique et signalisation des tumeurs endocrines

Résumé :

Contexte : les maladies nodulaires bilatérales de la surrénale, BMAD (pour Bilateral macronodular adrenocortical disease) se caractérisent par de multiples nodules bilatéraux à l’origine d’un hypercorticisme. D’un patient à l’autre, la présentation clinique, biologique et radiologique varie. Malgré cette hétérogénéité, les descriptions microscopiques, peu nombreuses, sont homogènes depuis la description initiale. Les BMAD se divisent en trois groupes génétiques : les patients avec altération d’ARMC5, de KDM1A et ceux sans cause génétique connue à ce jour.  ARMC5 et KDM1A fonctionnent sur le modèle de gènes suppresseurs de tumeur. Un évènement germinal et un second évènement somatique entrainent l’inactivation bi-allélique du gène. Pour ARMC5, l’évènement somatique peut-être hétérogène d’un nodule à l’autre. Les rares études sur KDM1A n’ont montré que des pertes d’hétérozygotie par délétion 1p. Les études protéiques concernant les BMAD sont peu nombreuses et se concentrent sur des explorations en immunohistochimie, en particulier sur des enzymes de la stéroïdogenèse.
Objectif : caractériser l’hétérogénéité des BMAD sur 3 niveaux : une exploration de l’hétérogénéité microscopique avec une recherche de corrélations avec la génétique des patients, une exploration par NGS de l’hétérogénéité génétique somatique et, une exploration par spectrométrie de masse de l’hétérogénéité protéique et de corrélations avec la génétique et la morphologie.
Résultats : l’étude a porté sur 35 BMAD opérées à l’hôpital Cochin. L’analyse factorielle multiple des caractéristiques microscopiques distingue 4 sous-types de BMAD. Les sous-types 1 et 2 présentent des septas fibreux arrondis dans les macronodules. Le sous-type 1 comporte 10 à 30% de cellules éosinophiles. Ce sous-type est corrélé avec une altération d’ARMC5. Le sous-type 2 comporte 30 à 40% de cellules éosinophiles. Ce sous-type n’était visible que lors d’une altération de KDM1A. Les sous-type 3 et 4 ne contiennent pas de septa fibreux. Le sous-type 3 est presque exclusivement fait de cellules spongiocytaires. Le sous-type 4 contient 40 à 80% de cellules oncocytaires. Ces sous-types comportent presque exclusivement des patients sans altération génétique connue. Dans les cas de BMAD avec altération d’ARMC5 ou de KDM1A, l’analyse par NGS a montré que l’inactivation bi-allélique du gène est nécessaire à la formation d’un nodule. Elle a confirmé que les évènements somatiques pathogènes d’ARMC5 présentent une forte hétérogénéité alors que l’inactivation de KDM1A ne se fait que par perte d’hétérozygotie. Les explorations de protéomique en clustering non supervisé montrent trois groupes de BMAD. Le premier groupe rassemble les patients avec inactivation d’ARMC5 qui surexpriment les sous-unités de l’ARN polymérase II (POL II) et ses partenaires. Le deuxième groupe contient les patients avec inactivation de KDM1A et ceux du sous-type 4. Ils partagent une signature commune et surexpriment des effecteurs de la voie des mévalonates qui participent à la biosynthèse du cholestérol. Le dernier groupe rassemble les sous-types 1 et 3 qui surexpriment certaines protéines de génération des superoxydes.
Conclusion : l’ensemble des explorations a permis de mieux caractériser l’hétérogénéité des BMAD. Les données ont mis en évidence 4 groupes microscopiques et 3 groupes protéomiques qui recouvrent partiellement les groupes génétiques de BMAD déjà connus. Ces travaux précisent également la physiopathologie des groupes de BMAD et soulignent l’importance de la POL II et des enzymes de synthèse du cholestérol. Les évènements somatiques d’ARMC5 sont hétérogènes d’un nodule à l’autre alors que les évènements de KDM1A sont homogènes. D’autres techniques comme la transcriptomique spatiale et le recours à la microdissection pourraient permettre de caractériser encore davantage cette hétérogénéité intra-tumorale. Les mécanismes moléculaires du groupe des BMAD sans altération d’ARMC5 ou de KDM1A restent à découvrir.