Sepsis : une approche thérapeutique pour prévenir la dysfonction endothéliale

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© Marion Le Bris, Sandrine Bourdoulous, Institut Cochin

Des chercheur.es de l’Institut Cochin publient dans Nature Microbiology une étude dévoilant l’identification d’un facteur clé produit par l’endothélium cérébral qui préserve l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique lors d’un sepsis bactérien. La perte d’intégrité de l’endothélium vasculaire jouant un rôle prépondérant dans la physiopathologie du sepsis, ils proposent une approche thérapeutique aux premiers résultats très encourageants fondée sur le traitement par une forme recombinante de ce facteur et permettant de prévenir, dans des modèles murins de sepsis, la dysfonction endothéliale, la défaillance d’organes, et l’issue fatale de ces infections.

Le sepsis est une maladie très fréquente due à réponse inflammatoire généralisée de l’organisme en réaction à une infection, dont la forme la plus grave, le choc septique, reste une cause fréquente de décès. Grâce aux nombreux progrès de la médecine, cette mortalité diminue, mais elle reste néanmoins très élevée, représentant environ 11 millions de décès par an dans le monde. Les patients qui survivent souffrent de graves séquelles. Avec le vieillissement de la population, le nombre de cas de sepsis devrait doubler au cours des cinquante prochaines années. Dans ce contexte, la recherche de pistes thérapeutiques constitue un enjeu majeur de santé publique.
Les cellules endothéliales, qui tapissent les vaisseaux sanguins, sont l’une des premières cibles de la réponse inflammatoire liée au sepsis. Les fonctions endothéliales sont affectées entraînant une modification du tonus vasculaire, une augmentation de la perméabilité vasculaire, une coagulation disséminée et une exacerbation de la réponse inflammatoire. Cette atteinte, qualifiée de dysfonction endothéliale, diminue l’oxygénation des tissus, contribuant à l’apparition du syndrome de défaillance multiviscérale. En conséquence, de nombreuses études ont été menées ces dernières années pour prévenir cette dysfonction endothéliale et/ou restaurer la fonction endothéliale afin de limiter la défaillance d’organes et améliorer le pronostic des patients en choc septique. Cependant, il n’y a, à ce jour, aucune molécule apportant un bénéfice thérapeutique sur la dysfonction endothéliale.

Pour identifier de nouvelles molécules pour prévenir cette dysfonction endothéliale, des chercheur.es de l’Institut Cochin, dirigé.es par le Dr Sandrine Bourdoulous, se sont intéressé.es aux cellules endothéliales du cerveau. Ces cellules spécialisées forment une barrière fortement restrictive entre le sang et le cerveau (appelée barrière hémato-encéphalique) qui régule étroitement l’homéostasie cérébrale et protège le parenchyme cérébral contre les infections systémiques. L'équipe a observé que les cellules endothéliales des vaisseaux cérébraux, à la différence des cellules endothéliales des vaisseaux périphériques, expriment des facteurs intrinsèques leur permettant de résister à une infection par Neisseria meningitidis (également connue sous le nom de méningocoque). Cette bactérie redoutable est responsable d’une forme très sévère de sepsis, caractérisée par une fuite vasculaire, une coagulation intravasculaire disséminée, et l’apparition de lésions purpuriques conduisant à une nécrose cutanée et la mort chez 30 % des patient.es (purpura fulminans). Parmi les facteurs spécifiquement exprimés par les cellules endothéliales cérébrales, les chercheur.es ont identifié l’Angiopoïetin-Like 4 (ANGPTL4), et montré que cette glycoprotéine sécrétée, est un facteur clé de stabilisation vasculaire qui protège la barrière hémato-encéphalique des agressions bactériennes.

Ces travaux ont mené les chercheur.es à envisager le recours à l’ANGPTL4 comme piste thérapeutique pour prévenir la dysfonction endothéliale dans le sepsis. L'équipe a ainsi montré, dans des modèles murins de sepsis induit par une endotoxine bactérienne ou de purpura induit par le méningocoque, que l’injection d’ANGPTL4 réduisait considérablement la dysfonction vasculaire et les symptômes associés : fuite vasculaire, coagulation intravasculaire, production des effecteurs de l’inflammation, ainsi que la dysfonction d’organes vitaux, tels que les poumons et les reins, et le taux de mortalité des souris. Enfin, les chercheur.es ont montré que cette protection était conférée par un domaine encore non caractérisé de l’ANGPTL4, situé dans sa partie N-terminale, par liaison à un récepteur endothélial, l’héparane protéoglycane Syndecan-4.

Après ces résultats très encourageants, les chercheurs poursuivent leurs travaux dans la perspective d’utiliser en clinique un peptide dérivé de l’ANGPTL4 pour limiter la dysfonction endothéliale chez les patients en choc septique et ainsi améliorer leur prise en charge.

 

 

Figure : Un traitement par l’ANGPTL4 prévient la formation de thrombi occlusifs dans les vaisseaux de derme humain infectés par Neisseria meningitidis. Coloration à l'hématoxyline et à l'éosine de peau humaine infectée par Neisseria meningitidis. Haut : contrôle non traité. Bas : Traité par l’ANGPTL4.

©Jason Ziveri, Sandrine Bourdoulous, Institut Cochin.

En savoir plus

Jason Ziveri, Loïc Le Guennec, Isabel dos Santos Souza, Jean-Philipe Barnier, Samuel M. Walter, Youssouf Diallo, Yasmine Smail, Elodie Le Seac’h, Haniaa Bouzinba-Segard, Camille Faure, Philippe C. Morand, Irié Carel, Nicolas Perriere, Taliah Schmitt, Brigitte Izac, Franck Letourneur, Mathieu Coureuil, Thomas Rattei, Xavier Nassif and Sandrine Bourdoulous.  Angiopoietin-like 4 protects against endothelial dysfunction during bacterial sepsis. Nature Microbiology. 2024, 10.1038/s41564-024-01760-4.

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