Sous la direction d'Olivier Kosmider, équipe Hématopoïèse normale et pathologique
Résumé
L'hématopoïèse est définie comme l'ensemble des processus conduisant à la production de cellules sanguines matures à partir d'un pool restreint de cellules souches hématopoïétiques (CSH). Chez l'homme comme chez la souris, le devenir des CSH est finement régulé par des mécanismes intrinsèques et extrinsèques, ces derniers reposant principalement sur les cellules du microenvironnement médullaire (MEM), dans lequel les CSH résident. Outre la régulation de l’hématopoïèse physiologique, le MEM joue également un rôle dans la survenue et la progression d’hémopathies myéloïdes, tels que les syndromes myélodysplasiques (SMD). Bien qu'ils aient permis d'élucider un certain nombre de mécanismes concernant la physiopathologie des hémopathies myéloïdes, les modèles de xénotransplantation ne tiennent pas compte de la composante humaine du MEM et s’avèrent très décevants en termes de prise de greffe, notamment lorsqu'ils sont appliqués aux SMD. Afin de se rapprocher au mieux de ce qui se passe réellement chez l’humain, plusieurs équipes se sont attachées ces 10 dernières années à développer des modèles d’organoïdes, mimant un MEM humanisé chez la souris et capables d’accueillir l’hématopoïèse humaine. Ces modèles reposent sur l’utilisation de cellules stromales mésenchymateuses (CSM), issues de la moelle osseuse humaine (MO), qui sont capables de se différencier pour donner naissance à un MEM d’origine humaine. En utilisant le modèle initialement développé par l’équipe d’Andreas Reinisch en 2016, j’ai étudié l’impact de ces organoïdes, aussi dénommés « osselets » (hOSS), sur le développement de l’hématopoïèse humaine normale et pathologique. Le but de ce projet était d’avancer dans la caractérisation de ce modèle et de l’appliquer aux SMD, afin d’avancer dans la compréhension du rôle du MEM dans la physiopathologie de cette maladie.
Tout d’abord, j’ai étudié l’impact des hOSS non pathologiques sur l’hématopoïèse humaine normale. Par une approche de ScRNA-seq sur la fraction CD34+ humaine, nous avons montré que les hOSS étaient capables d’accueillir une hématopoïèse humaine normale, de façon équivalente à celle se développant dans la MO murine. Nous avons également montré que les hOSS pouvaient avoir un impact sur le développement de l’hématopoïèse humaine normale en favorisant le développement des sous-populations myéloïdes.
La suite logique de mon travail a été d’adapter ce modèle aux SMD. Par des approches cellulaires et de RNAseq en bulk, nous avons tout d’abord validé le caractère pathologique des CSM issues de patients SMD. Nous avons identifié un nouvel acteur moléculaire, EPB41L3, habituellement décrit comme ayant un rôle dans la communication intercellulaire, comme possiblement impliqué dans la physiopathologie de la maladie. Nous avons montré que les CSM issues de tous les sous-types de SMD étaient capables de générer des hOSS, et que les CSM réamplifiées à partir d’hOSS conservaient leurs caractéristiques moléculaires, soulignant ainsi la pertinence de ce modèle pour reproduire un microenvironnement pathologique humanisé. Ensuite, nous avons montré que les hOSS de SMD étaient capables d’accueillir de façon robuste et reproductible l’hématopoïèse humaine normale. D’un point de vue quantitatif, nous n’avons pas observé de différence majeure entre l’hématopoïèse ayant greffé dans les hOSS de SMD et l’hématopoïèse ayant greffé dans des hOSS issus de sujets âgés sains.
Au total, ce travail a permis d’avancer dans la description du modèle des hOSS, pathologiques ou non, et d’étudier son impact sur l’hématopoïèse humaine normale. Nous avons montré que ce modèle était facilement applicable aux SMD et qu’il pourrait constituer un modèle idéal pour étudier les interactions existant entre les cellules hématopoïétiques et les cellules du MEM dans un contexte pathologique.
Mots-clés : Microenvironnement médullaire, syndromes myélodysplasiques, organoïdes, hématopoïèse