Caractérisation des facteurs cellulaires et virologiques modulant la propagation intercellulaire du VIH-1 dans les macrophages

15 novembre 2024

Thèse

Infos pratiques

15h - 23h
Salle Rosalind Franklin et en visio
Professionnels de la recherche et médecins
Accès mobilité réduite

Thèse préparée sous la direction de Serge Benichou, équipe Signalisation des cellules immunes et infection rétrovirale

Résumé :

Le VIH a causé une pandémie mondiale, touchant des millions de personnes. Malgré des avancées significatives dans les thérapies antirétrovirales (cART) et les stratégies de prévention, l'établissement et la persistance des réservoirs viraux dans les tissus des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) continuent d'empêcher l'éradication complète du virus. Les macrophages, en tant que cellules cibles du VIH-1, jouent un rôle clé dans la transmission, la dissémination et l'établissement de réservoirs viraux dans certains tissus. Bien que les macrophages soient généralement peu permissifs aux virus libres in vitro, en raison de l'expression élevée de facteurs de restriction cellulaires, nous avons identifié un mécanisme très efficace de propagation du VIH-1 par fusion cellulaire avec des lymphocytes T infectés, conduisant à la formation de cellules géantes multinucléées (MGCs) produisant de grandes quantités de virus. Il est à présent essentiel de caractériser les mécanismes régulant ce transfert cellulaire du VIH-1 dans les macrophages, ainsi que les facteurs cellulaires et virologiques impliqués.

Nos résultats démontrent que la fusion cellulaire est la méthode la plus rapide et efficace de transfert du VIH-1 entre les lymphocytes T infectés et les macrophages cibles in vitro. Cette fusion hétérotypique permet un transfert viral dans différentes populations de macrophages tissulaires, tels que les macrophages provenants de tissus synoviaux, du placenta, des alvéoles pulmonaires et des amygdales. Ce mécanisme de transfert viral dépend de la viabilité des lymphocytes T ainsi que du statut d’activation et de polarisation des macrophages, avec une fusion cellulaire amplifiée entre des lymphocytes T infectés non-apoptotiques et des macrophages anti-inflammatoires.

De plus, le contact initial entre les lymphocytes T infectés et les macrophages cibles conduit à la formation de structures d'adhésion marquées par l'accumulation d'intégrines β2 et d'actine au site de contact. Nous avons identifié la tetraspanine CD81 comme un inhibiteur clé de la réorganisation du cytosquelette d’actine et donc de la fusion cellulaire. CD81 active la voie de signalisation RhoA/ROCK dans les macrophages, ce qui déclenche la phosphorylation de la myosine de type II, favorisant la contractilité de l’actomyosine et empêchant la fusion avec les lymphocytes T infectés.

Pour mieux comprendre les dynamiques sous-jacentes de la fusion cellulaire entre les lymphocytes T infectés et les macrophages, nous avons également étudié les facteurs virologiques et cellulaires qui pourraient réguler ce transfert viral. Les résultats obtenus indiquent que les protéines auxiliaires du VIH-1 (Nef, Vif, Vpr et Vpu), connues pour contrer les facteurs de restriction cellulaires et essentielles à l'infection par virus libre des macrophages, n’ont pas d’effet sur la propagation intercellulaire du VIH-1 entre lymphocytes T infectés et macrophages. De plus, les interférons de type I (IFNa), qui induisent normalement une réponse immunitaire forte contre le VIH-1, sont inefficaces pour restreindre ce mode de transfert intercellulaire. Par ailleurs, le transfert du VIH-1 dans les macrophages par fusion avec des lymphocytes T infectés échappe aux restrictions imposées par les facteurs de restriction cellulaire APOBEC3G et SERINC5. En outre, cette propagation intercellulaire du VIH-1 dans les macrophages est résistante à plusieurs médicaments utilisés en cART, y compris les inhibiteurs de la capside virale, de la translocation nucléaire, de la transcription inverse et de l'intégration du VIH-1 dans le génome de la cellule hôte.

Pour comprendre ce qui perturbe ces voies cellulaires et immunologiques, nous avons étudié les différents noyaux présents dans ces MGCs infectées. Les MGCs contiennent au moins un noyau lymphocytaire, issu de la fusion initiale entre un lymphocyte T CD4 infecté et un macrophage cible. Nos résultats indiquent que ces noyaux lymphocytaires restent transcriptionnellement actifs dans les MGCs longtemps après la fusion initiale, permettant la persistance du cycle de réplication du VIH-1. Nous avons également trouvé de l'ADN viral dans la plupart des noyaux de macrophages, suggérant qu'il provient des complexes de pré-intégration formés dans les lymphocytes T CD4 infectés avant la fusion. Ces résultats révèlent un mécanisme original de transfert intercellulaire du VIH-1 dans les macrophages et pourraient expliquer l'établissement et le maintien de MGCs infectées dans certains réservoirs viraux chez les PVVIH.

Mots-clés : VIH-1, macrophage, cellules myéloïdes, transfert viral, fusion cellulaire, facteurs cellulaires, protéines virales, interférons, traitement antirétroviral