Un super enhancer des gènes de Myosine rapide dicte le phénotype des fibres musculaires par des interactions compétitives avec ces gènes

Publié le
Recherche

Un super enhancer des gènes de Myosine rapide dicte le phénotype des fibres musculaires par des interactions compétitives avec ces gènes.
Dans une étude publiée dans Nature communications, l'équipe dirigée par Pascal Maire et Athanassia Sotiropoulos (Développement neuromusculaire, génétique et physiopathologie) montre qu'un super-enhancer (un regroupement de régions régulatrices couvrant 10 à 50 kb) contrôle l'expression spatio-temporelle des gènes de la chaîne lourde de la myosine rapide, d'une manière qui rappelle la régulation complexe du locus b-globine. Le profil d'expression des gènes adultes de la chaîne lourde de la myosine rapide est récapitulé dans un modèle de souris transgénique arc-en-ciel.

Les muscles squelettiques constituent l'organe le plus abondant chez un humain adulte, environ 40% de sa masse corporelle totale. La plupart des muscles squelettiques sont composés d'un mélange de myofibres ayant des propriétés contractiles, métaboliques et de résistance à la fatigue distinctes, ainsi qu'une vulnérabilité différentielle dans différentes situations physiopathologiques. Ces différentes myofibres peuvent être classées en sous-types lents ou rapides qui expriment sélectivement les gènes responsables de leurs propriétés spécifiques. La classification la plus largement utilisée des types de myofibres est fondée sur leur profil d'expression de la chaîne lourde de myosine (MYH). MYH, l'une des protéines les plus abondantes présentes dans les myofibres adultes, est un déterminant majeur de la vitesse de contraction des myofibres. Chacune des isoformes de MYH des mammifères est codée par un gène spécifique. Les myofibres adultes de type lent expriment Myh7 (également connue sous le nom de MyHCI, ou lente), les myofibres adultes de type rapide expriment Myh2 (MyHCIIA), Myh1 (MyHCIIX), Myh4 (MyHCIIB) ou Myh13 (MyHCeo). Pendant le développement embryonnaire, Myh7 et deux gènes spécifiques du locus Myh rapide (fMyh), Myh3 (MyHCemb) et Myh8 (MyHCperi) sont exprimés. Les gènes fMyh (Myh3, Myh2, Myh1, Myh4, Myh8 et Myh13) sont organisés dans une région de 350 kb sur le chromosome 11 de la souris.

Les mécanismes contrôlant l'expression robuste et coordonnée des gènes fMyh dans les centaines de noyaux d'une myofibre ne sont pas compris. L'organisation en cluster et la régulation temporelle du locus fMyh présentent des similitudes avec celles du locus de la ß-globine humaine. Il a été démontré que des éléments régulateurs spéciaux appelés super enhancers (SE) contrôlent les niveaux d'expression élevés des gènes d'identité cellulaire. Ces SE sont composés de multiples enhancers s'étendant sur 10 à 50 kb d'ADN et permettant une expression efficace des gènes associés.

Pour caractériser les éléments cis-régulateurs nécessaires à la régulation complexe des gènes fMyh spécifiques, les auteurs ont réalisé des expériences snATAC-seq et 4C-seq sur des muscles squelettiques adultes et ont identifié une région chromatinienne ouverte de 42 kb interagissant de manière exclusive avec le promoteur fMyh activé au niveau du locus par le biais d'une boucle de la chromatine, comme l'ont révélé les expériences de 4C-seq.  

Une lignée transgénique de souris arc-en-ciel incluant ce SE récapitule l'expression spatio-temporelle des gènes endogènes Myh2, Myh1 et Myh4. Les auteurs montrent en outre par édition CRISPR/Cas9 que la délétion in situ de cette région SE de 42kb empêche l'expression des gènes Myh8 fœtal et fMyh adultes au locus conduisant à des myofibres fœtales dépourvues de sarcomères, incapables de se contracter, empêchant ainsi la respiration des nouveaux nés.

Légende de la figure : Patte arrière d'une souris transgénique arc en ciel adulte exprimant YFP dans les fibres Myh2, Tomato dans les fibres Myh1 et CFP dans les myofibres Myh4.

Les auteurs ont testé l'hypothèse d'une compétition entre promoteurs pour le SE partagé et montrent que l'absence de Myh1 et Myh4 dans le génome entraîne une augmentation de l'expression de Myh2, Myh8 ou Myh13 dans des sous-régions spécifiques des muscles des membres, ce qui suggère que la compétition entre les promoteurs entraîne l'activation d'un seul gène au locus. Combinés à leurs travaux antérieurs (Dos Santos et la, 2020), ces résultats suggèrent que chaque noyau dans une fibre musculaire exprime de manière bi-allélique un seul gène au locus, les autres gènes étant silencieux. Ces expériences suggèrent également que le SE forme des assemblages multimoléculaires par séparation de phase liquide, permettant l'agrégation de la machinerie transcriptionnelle à un promoteur unique et qu’il est responsable de l'expression coordonnée robuste et non stochastique d’un gène fMyh dans les centaines de myonuclei présents dans les myofibres adultes.

Légende : Le super enhancer fMyh est composé de sept éléments enhancers (1-7) recrutant des facteurs de transcription et leurs cofacteurs permettant la formation d’une séparation de phase dans les myonuclei et permettant une expression robuste des gènes fMyh, adapté de (Hnisz, D. et al. Super-enhancers in the control of cell identity and disease. Cell 155, 934-947). À gauche, pendant le développement fœtal, le SE entre en contact avec Myh8, ce qui permet son expression robuste. A droite, pendant le développement post-natal, les facteurs de transcription et les cofacteurs exprimés dans des myonuclei des sous-types de fibres rapides favorisent les contacts entre le SE et un unique promoteur adulte au locus. Dans ces myonuclei, l'expression bi-allélique robuste de Myh1, Myh2 ou Myh4 est atteinte, tandis que la transcription des autres gènes du locus est réduite au silence.

Ce travail a été financé par des crédits ANR et AFM.

Contact

Pascal Maire

Contacter par mail