Le glucagon-like peptide 1 (GLP1) est une hormone principalement libérée par le tractus gastro-intestinal en réponse à l'apport alimentaire, qui contrôle la sécrétion d'insuline et le poids corporel en activant son récepteur (GLP1R) situé à la fois dans les cellules β du pancréas et le cerveau. Les agonistes du GLP1R tels que le liraglutide et le semaglutide sont largement utilisés pour rétablir la glycémie chez les patients atteints de diabète de type 2 (DT2) et pour gérer le poids corporel des personnes atteintes d’obésité. Jusqu'à présent, il existait une contradiction entre l’importance de cette cible majeure des médicaments anti-diabétiques et anti-obésité, et l’importance des mutations de cette cible chez l’homme. En effet, les conséquences des mutations naturelles du gène GLP1R sur la fonction du récepteur et les caractéristiques métaboliques liées au DT2 et à l'obésité, ainsi que la réponse aux traitements actuels basés sur le GLP1R, n’étaient pas établies.
L’équipes de Ralf Jockers en collaboration avec l'équipe dirigée par le Dr Amélie Bonnefond à l’Institut Européen de Génomique du Diabète (EGID, Lille, France), l'Université des sciences et technologies de Huazhong (Wuhan, Chine), le Baylor College of Medicine (Houston, USA) et l'Imperial College de Londres (Royaume-Uni), ont réalisé une analyse génétique fonctionnelle à grande échelle de 60 variants rares du gène GLP1R. 56 d'entre eux ont montré un impact inattendu élevé sur la fonction du récepteur. Nos résultats indiquent que les mutations de GLP1R chez l’homme entraînent une expression défectueuse à la surface cellulaire et une activation altérée de la voie du cAMP, provoquant ainsi des défauts majeurs dans la sécrétion d'insuline. La restauration de la sécrétion d'insuline défectueuse a été obtenue grâce à deux paradigmes pharmacologiques : des concentrations élevées d'agonistes ou une combinaison de faibles concentrations d'agonistes et de modulateurs allostériques positifs (PAM) pour certains mutants. Les mutations perte de fonction (LoF) de GLP1R trouvées parmi les participants de la très large cohorte UK Biobank (200 000 participants) étaient associées à une perturbation de l'homéostasie du glucose et à une augmentation de l'adiposité. Le consortium a aussi découvert que les mutations perte de fonction (LoF) de la voie β-arrestine pouvaient améliorer les caractéristiques métaboliques, ce qui soutient l'idée que le trafic du GLP1R dépendant de la β-arrestine limiterait l'action de l'activation du GLP1R sur la sécrétion d'insuline.
Notre étude indique que les mutants GLP1R perte de fonction (LoF), en particulier ceux présentant une expression défectueuse du GLP1R à la surface cellulaire ou une activation du cAMP altérée, sont liés à une sécrétion défectueuse d'insuline in vitro, ainsi qu'à une perturbation de l'homéostasie du glucose et à une augmentation de l'adiposité parmi les 200K participants de la UK Biobank. Ces résultats revêtent une grande importance pour les approches de médecine personnalisée. Les porteurs d'allèles à risque pourraient non seulement bénéficier des dernières générations d'agonistes du GLP1R, y compris les agonistes du GLP1R/GIPR, mais également des PAM du GLP1R récemment développés ou des ligands biaisés de la voie Gs/cAMP au détriment de la voie β-arrestine. L'impact de l'expression défectueuse du GLP1R à la surface cellulaire suggère que des chaperons pharmacologiques, des molécules connues pour faciliter l'exportation adéquate des protéines à la surface cellulaire, pourraient être d'une importance thérapeutique pour les porteurs de mutations, comme cela a déjà été démontré pour d'autres récepteurs métaboliques importants tels que le récepteur de la mélanocortine MC4R. Notre étude devrait stimuler une diversification des options de traitement ciblant le GLP1R. Ces traitements pourraient bénéficier non seulement aux porteurs de mutations LoF de GLP1R, mais aussi aux patients obèses et diabétiques qui sont soit résistants aux traitements actuels par agonistes du GLP1R, soit qui souffrent d'effets indésirables graves.
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Gao W, Liu L, Huh E, Gbahou F, Cecon E, Oshima M, Houzé L, Katsonis P, Hegron A, Fan Z, Hou G, Charpentier G, Boissel M, Derhourhi M, Marre M, Balkau B, Froguel P, Scharfmann R, Lichtarge O, Dam J, Bonnefond A, Liu J, Jockers R. Human GLP1R variants affecting GLP1R cell surface expression are associated with impaired glucose control and increased adiposity. Nat Metab (2023). https://doi.org/10.1038/s42255-023-00889-6
Cette étude a été financée par :
Fondation de la Recherche Médicale (Equipe FRM DEQ20130326503 à R.J.), Agence Nationale de la Recherche (ANR-2011-BSV1-012-01 “MLT2D”, ANR-2011-META “MELA-BETES, ANR-21-CE18-0023 “alloGLP1R”) et le labex “Who am I?” (No.ANR-11-LABX-0071), No.ANR-11-IDEX-0005-01 à R.J., European Union’s Horizon Europe Research and Innovation Program under grant agreement 101080465 à A.B., P.F., R.J., J.D. and the Ministry of Science and Technology (grant number 2018YFA0507003 and 2021ZD0203302 to J. L.), le "National Natural Science Foundation of China (NSFC)" (numéros 81720108031, 81872945 et 31721002 à J. L.), ANR-10-LABX-46 [European Genomics Institute for Diabetes]) à A.B. and P.F., ANR-10-EQPX-07-01 [LIGAN-PM]) à A.B. et P.F., the European Research Council (ERC GEPIDIAB – 294785 à P.F.; ERC Reg-Seq – 715575 à A.B.), “France Génomique” consortium (ANR-10-INBS-009) et PreciDIAB à A.B. et P.F., ANR-18-IBHU-0001, the European Union (FEDER), la région les Hauts-de-France et la métropole de Lille (MEL). L'Inserm, le CNRS et le China Scholarship Council.
O.L. remercie le NIH GM066099 pour son support.
Cette recherche a été menée grâce à l'utilisation de la "UK Biobank Application #67575 (A.B.)".