Le Fer comme booster des réponses anti-tumorales et des immunothérapies anti-cancéreuses

Publié le
Recherche
Photo de National Institute of Allergy and Infectious Diseases sur Unsplash

Les immunothérapies anti-tumorales développées au cours de la dernière décennie ont révolutionné le traitement de nombreux cancers. Cependant, une minorité des patients répond bien à ces traitements en développant une réponse immunitaire anti-tumorale efficace. Dans un article paru dans la revue Cancer Immunology Research, le groupe de Bruno Martin (équipe Régulation des fonctions effectrices des lymphocytes T) montre qu’une supplémentation en fer permet de réactiver les réponses des cellules T anti-tumorales et de renforcer l'efficacité de l’immunothérapie anti-PD1 chez la souris. Ces deux traitements pourraient ainsi améliorer la prise en charge des cancers chez l’homme.

L’idée que le système immunitaire (SI) puisse contrôler le cancer a été proposée par P. Ehrlich au début du XXe siècle. Depuis, de nombreux essais d’immunothérapie ont été testés. Jusqu’à récemment, ces traitements se sont avérés peu concluants, ternis par les toxicités collatérales observées et l’échec de la vaccinothérapie, nous apprenant que l’environnement tolérogène des tumeurs est dominant et empêche le SI de les éliminer. Au début du XXIe siècle, J. Allison et T. Honjo ont décrit l’existence de points de contrôle négatif du SI correspondant entre autres à l’expression par les lymphocytes T (LTs) de molécules inhibitrices bloquant leurs fonctions effectrices. Lors des réponses aux infections, ces points de contrôle restreignent l’activation des LTs lorsque l’agent pathogène est éliminé et empêchent ainsi des réponses incontrôlées et délétères. Dans le cas des réponses anti-tumorales, cette inhibition permet à la tumeur d’échapper au contrôle du SI, de se développer et de se disséminer. Révolutionnant la prise en charge du mélanome et de nombreux autres cancers, des nouvelles immunothérapies ciblant ces points de contrôles négatifs, notamment les anticorps anti-PD1, augmentent la survie des malades. Malheureusement, seuls 20 à 30% des patients répondent bien à ces traitements en développant une réponse immunitaire anti-tumorale efficace. Pour pallier cette insuffisance, les stratégies actuelles proposent de combiner l’immunothérapie avec les traitements plus classiques que sont la chimiothérapie et la radiothérapie. Cependant, l'immunothérapie, la radiothérapie et la chimiothérapie ont des effets secondaires délétères et ces toxicités peuvent être additives ou même synergiques dans le cas de co-traitements. Il est donc crucial d'identifier des traitements alternatifs qui peuvent être combinés avec les immunothérapies pour améliorer leur efficacité tout en évitant ou en limitant l'apparition d'effets secondaires.

Grâce aux résultats de la présente étude, les auteurs proposent d’accroître l’efficacité de l’immunothérapie en augmentant et orientant la réponse des LTs par un élément chimique des plus classiques, le fer. En effet, ils ont observé que le fer modulait le métabolisme et augmentait significativement l’activation et la prolifération des cellules T in vitro. Cet effet “adjuvant” se traduit, in vivo, par un fort ralentissement de la croissance de lignées tumorales transplantées chez la souris. Plus précisément, ces résultats montrent qu’une supplémentation en fer favorise les réponses anti-cancéreuses en augmentant la production de facteurs anti-tumoraux par les cellules T et permet également de fortement améliorer l’efficacité de l’immunothérapie anti-PD1 chez la souris. Enfin, cette étude suggère que, chez les patients atteints de cancer, la qualité et l'efficacité de la réponse anti-tumorale suite à l'immunothérapie anti-PD1 peuvent être modulées par le niveau de ferritine plasmatique, dont la concentration reflète les réserves en fer de l’organisme.

En résumé, ces résultats suggèrent les bénéfices d'une supplémentation en fer sur la réactivation des réponses anti-tumorales et soutiennent la pertinence d’associer immunothérapie et supplémentation en fer pour le traitement des cancers.

Iron enhances the efficacy of anti-PD1 immunotherapy against cancer

Légende de la figure : L’interaction entre la molécule PD1 exprimée à la surface des lymphocytes T et son ligand PD-L1 exprimé par les cellules tumorales conduit à l’inhibition des fonctions effectrices des lymphocytes T et à l’échappement tumoral. L’immunothérapie par injection d’anticorps anti-PD1 permet de bloquer cette interaction et de restaurer les fonctions effectrices des cellules T se traduisant par une réponse anti-tumorale efficace. La présente étude suggère qu’une supplémentation en fer permet d’augmenter les réponses des cellules T et de renforcer considérablement l’effet de l’immunothérapie anti-PD1.

En savoir plus

Iron boosts anti-tumor type 1 T-cell responses and anti-PD1 immunotherapy. S. Porte, A. Audemard-Verger, C. Wu, A. Durand, T. Level, L. Giraud, A. Lombès, M. Germain, R. Pierre, B. Saintpierre, M. Lambert, C. Auffray, C. Peyssonnaux, F. Goldwasser, S. Vaulont, MC. Alves-Guerra, R. Dentin, B. Lucas and B. Martin. 2024. Cancer Immunology Research, July 10, 2024doi: 10.1158/2326-6066.CIR-23-0739.

Contact

Bruno Martin

Contacter par mail