Le contexte
Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est une tumeur du foie pour laquelle les options thérapeutiques sont limitées. Le meilleur traitement du CHC est de le retirer chirurgicalement. Cependant, si le CHC est dépisté tardivement, cela ne suffit pas, et des traitements médicamenteux sont alors privilégiés.
La quasi-totalité des essais cliniques en cours s’intéressent à l’immunothérapie, une thérapie utilisant le système immunitaire, mais 60 à 70 % des patients y sont encore résistants. Il est donc essentiel d’identifier les facteurs qui influencent cette réponse aux traitements.
Nous savons que les cellules cancéreuses présentent un métabolisme spécifique, qui s’adapte pour répondre à leurs besoins énergétiques accrus. Leur prolifération rapide nécessite une dépense énergétique considérable par rapport aux cellules normales. Cibler ces métabolismes particuliers pourrait ainsi constituer une approche potentielle pour restreindre la multiplication des cellules cancéreuses. Ces dernières années, diverses molécules ont été évaluées dans cette perspective.
Dans ce contexte, Renaud Dentin, chercheur Inserm, et son équipe, ont entrepris un projet de recherche soutenus financièrement par l'Inserm, la Fondation ARC, la Ligue contre le cancer, la Ville de Paris (projet Émergence), l'Europe (ERC Starting Grant), le CNRS et Université Paris-Cité. L'objectif de ce projet est de déterminer le rôle joué par une protéine spécifique, le facteur de transcription ChREBP (Carbohydrate Responsive Element Binding Protein), dans l'initiation et le développement du carcinome hépatocellulaire (CHC).
Les résultats
Grâce aux informations recueillies auprès de 1500 patients atteints de CHC, provenant de 10 cohortes distinctes, les chercheurs ont démontré une augmentation systématique de l'expression de la protéine ChREBP au sein des tumeurs par rapport aux cellules non tumorales. Dans ces diverses cohortes humaines, il a été observé que les patients présentant une expression élevée de ChREBP dans leur tumeur avaient une espérance de vie réduite par rapport à ceux dont l'expression de ChREBP était faible. Ces données fournissent la première preuve expérimentale chez l'homme d'un rôle potentiel de ChREBP dans les mécanismes d'initiation et de développement du carcinome hépatocellulaire.
L’équipe de recherche a ainsi pu identifier le premier inhibiteur pharmacologique de ChREBP, qui serait capable de ralentir la croissance des cellules cancéreuses en bloquant certaines actions importantes pour leur développement. De manière significative, il a été observé que cet inhibiteur augmente l'efficacité d'un traitement anticancéreux existant, le Sorafenib, qui agit en bloquant les signaux favorisant la croissance des cellules cancéreuses. Cet inhibiteur présente également des perspectives prometteuses dans le traitement d'autres formes de cancer telles que le cancer du sein, colorectal et les leucémies.
Les perspectives
Ce type de recherche fondamentale revêt une grande importance. Elle permet de comprendre les mécanismes à l’origine du développement du cancer, ainsi que les mécanismes d’actions de nouvelles molécules. Ceci est essentiel pour amorcer des projets de recherche translationnelle situés entre la recherche fondamentale et la recherche clinique, qui visent à évaluer l'efficacité et la tolérance de nouveaux traitements chez les patients. Ces projets de recherche jouent un rôle majeur dans la lutte contre des fléaux sociétaux et environnementaux tels que le cancer.
Cette étude présente donc le premier inhibiteur pharmacologique identifié pour ChREBP, qui pourrait devenir un outil clé dans le traitement du CHC. Son potentiel en tant que nouvel agent thérapeutique pourrait éventuellement aboutir à un processus d'optimisation et de valorisation pharmacologique.
En savoir plus
Emmanuel Benichou, Bolaji Seffou, Selin Topcu, Ophélie Renoult, Véronique Lenoir, Julien Planchais, Caroline Bonner, Catherine Postic, Carina Prip-Buus, Claire Pecqueur, Sandra Guilmeau, Marie-Clotilde Alves-Guerra et Renaud Dentin. The transcription factor ChREBP Orchestrates liver carcinogenesis by coordinating the PI3K/AKT signaling and cancer metabolism. Nature communications, 29 février 2024 ; doi : 10.1038/s41467-024-45548-w