La nitazoxanide est un médicament contre les protozoaires opportunistes infectant les patients immunodéprimés. Plusieurs études ont indiqué un effet antiviral sur des virus différents (grippe, hépatite B, COVID-19). La cible ne semble donc pas le virus mais plutôt la cellule hôte, ce qui semble cohérent avec l’effet sur les protozoaires (animaux unicellulaires). Si elle est administrée à des cellules en culture, la nitazoxanide diminue la quantité d’énergie produite par la respiration cellulaire.
Pour démontrer que cette propriété peut expliquer l’effet antiviral nous avons étudié, sur un modèle cellulaire de production de virus, trois molécules ayant ce même effet : la nitazoxanide et deux autres dont une structurellement très différente. Le nombre de virus produits et leur pouvoir infectieux ont été déterminés (figure). Les résultats obtenus avec chacune des trois drogues étant similaires, seul compte le niveau d’impact sur la respiration cellulaire et pas la nature de la drogue (axe X de la figure) : avec un niveau d’impact faible (25%) ou moyen (50%) mais ne mettant pas en cause la viabilité cellulaire, la production de virus reste normale ou quasi normale (courbe rouge), alors que leur pouvoir infectieux diminue franchement (courbe noire). Une stimulation de la fermentation lactique (voie énergétique de secours si la respiration est défaillante) restaure le pouvoir infectieux des virus, confirmant ainsi le rôle critique de l’énergie disponible.
Cette observation fournirait une explication simple à l’effet antiviral de la nitazoxanide. La production de particules virales et leur maturation en virus infectieux sont deux processus dont la priorité se manifeste par la forme de leur courbe de réponse à une diminution graduelle de la ressource énergétique (rouge vs noire de la figure). La réplication suit les marqueurs de vitalité cellulaire (division, survie) et exploite donc au mieux la cellule hôte. Mais dans le contexte de ressources énergétique limitées, la grande sensibilité du pouvoir infectieux protègerait l’hôte d’une amplification de l’infection dont le coût énergétique deviendrait fatal pour les deux partenaires. Cet exemple montre que la dépendance de processus cellulaires normaux ou pathologiques à l’état énergétique mérite l’attention et aussi qu’un effet adverse sur la respiration cellulaire (généralement considéré comme un effet indésirable d’une drogue) pourrait aussi constituer la base d’une intervention thérapeutique.
Légende :
Des cellules productrices de virus sont cultivées en présence de l’une des trois drogues avec des dosages causant une diminution de la production d’énergie par la respiration de 25, 50, ou 75%, (axe X). L’inhibition complète (100%) est obtenue avec un inhibiteur spécifique. Le point pour X=0 représente des cellules traitées avec le solvant commun. Axe Y : les résultats sont exprimés en rapport avec le contrôle (résultat obtenu avec des cellules non traitées), en rouge le nombre de copies de virus libérées dans le milieu (mesuré par PCR) et en noir le pouvoir infectieux des virus (révélé par l’expression dans ses cellules cibles d’une protéine fluorescente codée par le génome du virus). La significativité de la différence avec le solvant (X=0) est indiquée * p<0,05, **** p<0,0001.
En savoir plus
Nitazoxanide controls virus viability through its impact on membrane bioenergetics. Hammad N, Ransy C, Pinson B, Talmasson J, Bréchot C, Rossignol JF, Bouillaud F. Sci Rep. 2024, Dec 28;14(1):30679. doi: 10.1038/s41598-024-78694-8. PMID: 39730386