La protéine ATG5 est un médiateur central d’une voie non canonique d’autophagie détournée par le VIH-1 pour atténuer la réponse de l’hôte à l’infection

Publié le
Recherche
VIH (orange) à la surface d'une cellule infectée (vert) Crédits : Philippe Roingeard, Camille Marchand

Comprendre comment les virus s’affranchissent des barrières innées de l’hôte pour se disséminer efficacement dans l’organisme est une priorité pour combattre efficacement ces infections et proposer de nouvelles stratégies susceptibles de limiter la propagation virale. Des scientifiques de l’équipe « Interactions Hôte-Virus »  s’intéressent aux facteurs cellulaires dits de « restriction » capables de bloquer le cycle réplicatif des virus, et à la réponse des virus face à ces « freins » intrinsèques de la cellule. Dans une nouvelle étude, ces scientifiques ont décrypté une voie cellulaire détournée par le VIH-1 (Virus de l’immmundéficience humaine de type 1) pour s’opposer à un facteur de restriction virale, le facteur BST2/Tétherine. Ces résultats font l’objet d’une publication dans la revue PNAS en mai 2023.

Avec plus 650 000 décès dus à cette infection en 2021, le VIH-1, virus responsable du SIDA, demeure un problème majeur de santé publique mondiale.
Pour contrer la propagation du VIH-1, l’hôte a développé un arsenal de défenses immunes, dont des défenses cellulaires intrinsèques. Des composants de cette défense intrinsèque sont les facteurs de restriction, des protéines cellulaires présentant une activité antivirale directe sur le virus. BST2/Tétherine est l’un de ces médiateurs de l’immunité innée. Il exerce son activité antivirale sur la production de nombreux virus enveloppés et retient physiquement les virus néoformés à la surface de la cellule infectée. BST2/Tétherine est également un « sensor » de l’infection, son activation met la cellule dans un état anti-viral.

Face à ces restrictions, les lentivirus, dont le VIH-1, ont évolué et développé différentes stratégies pour contrer ces barrières cellulaires. Par le biais d’interactions protéines-protéines impliquant notamment les protéines virales dites accessoires, les lentivirus ciblent les facteurs de restriction vers des voies de dégradation ou séquestrent ces derniers dans des compartiments intracellulaires.
La protéine Vpu du VIH-1 est l’une des réponses développées par le virus pour contrer le facteur de restriction BST2/Tétherine. Vpu réduit la présence de BST2 au site de bourgeonnement viral en détournant des voies intracellulaires de trafic et de dégradation. Dans cette étude, l’équipe a décrypté comment la protéine Vpu usurpe un mécanisme de dégradation cellulaire, semblable à un processus non canonique d’autophagie, la phagocytose associée à LC3, pour contrecarrer l’activité antivirale de BST2 et permettre au VIH-1 de se disséminer efficacement.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les derniers travaux publiés par l’équipe « Interactions Hôte-Virus » au sein de l’Institut Cochin. 
Ces travaux apportent un éclairage nouveau sur les premières étapes de cette voie non canonique d’autophagie, détournée par le VIH-1 pour contrer le facteur de restriction BST2/Tétherine. 
Par des approches de microscopie confocale et de biochimie, les scientifiques révèlent que ce processus est initié à la surface de la cellule infectée par la reconnaissance de formes particulières de BST2 par une protéine de l’autophagie, ATG5. Cette protéine ATG5 est capable de prendre en charge les molécules de BST2 dimérisées et phosphorylées qui lient les particules virales à la surface de la cellule, et les dirige dans cette voie non canonique d’autophagie pour être dégradées. Cette fonction de ATG5 est indépendante de sa fonction dans l'autophagie canonique, processus régulant l'homéostasie cellulaire. De plus, cette étude souligne que le détournement de cette voie par la protéine virale Vpu atténue la réponse antivirale de l’hôte, initiée lors du « sensing » des virus à la surface cellulaire par BST2.

L’ensemble de cette étude révèle que la protéine ATG5 agit comme un médiateur central de cette voie non canonique d’autophagie détournée par la protéine virale Vpu pour atténuer la réponse de l’hôte à l’infection.

BST2/Tétherine a une large activité de restriction contre divers virus enveloppés. Il est probable que ces découvertes aient des retombées sur les recherches menées pour de nombreux virus enveloppés, ou sur les éléments extracellulaires piégés par BST2 à la surface des cellules (exosome, midbody…). La découverte d'une nouvelle fonction de la protéine ATG5, indépendante de l'autophagie, en tant qu'adaptateur pour des récepteurs membranaires, ouvre également de nouvelles voies de recherche sur la contribution d’ATG5 dans l'engagement de récepteurs de surface dans cette voie d’autophagie non canonique.

Ce programme de recherche est financé par Sidaction et l’ANRS.

En savoir plus

Judith D, Versapuech M, Bejjani F, Palaric M, Verlhac P, Kuster A, Lepont L, Gallois-Montbrun S, Janvier K, Berlioz-Torrent C. ATG5 selectively engages virus-tethered BST2/tetherin in an LC3C-associated pathway. Proc Natl Acad Sci U S A. 2023 May 16;120(20):e2217451120. doi: 10.1073/pnas.2217451120. Epub 2023 May 8. PMID: 37155854.

Contact

Clarisse Berlioz

Contacter par mail