La bactérie Akkermansia muciniphila protège contre les effets néfastes de certains additifs alimentaires

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Les recherches menées à l’Institut Cochin par l’équipe de Benoit Chassaing, en collaboration avec Andrew Gewirtz (Georgia State University), ont montré que l’administration de la bactérie intestinale Akkermansia muciniphila est en mesure de contrecarrer les effets délétères des agents émulsifiants, une classe d’additif alimentaire très largement utilisée par l’industrie agroalimentaire. Akkermansia muciniphila est normalement présente dans l’intestin humain, mais sa présence se retrouve diminuée suite à la consommation d’agents émulsifiants. L’addition de cette bactérie permet d’empêcher les dommages normalement causés par la consommation d’agents émulsifiants. Ces données, publiées dans le journal Gut, s’ajoutent au potentiel grandissant d’Akkermansia muciniphila en tant que probiotique.

Les travaux précédents de l’équipe de Benoit Chassaing ont démontré que la consommation de certains agents émulsifiants, communément utilisés par l’industrie alimentaire pour améliorer la texture et étendre la durée de conservation des produits transformés, conduit à l’altération du microbiote intestinal (le consortium des millions de microorganismes colonisant de nombreuses parties du corps) et de son interaction avec le tractus intestinal. Ces altérations du microbiote conduisent à une inflammation intestinale chronique et à des dérégulations métaboliques. Alors que la plupart de ces observations ont été faites dans des modèles in vivo, une étude clinique randomisée en double aveugle chez des volontaires sains a démontré les effets néfastes du carboxyméthylcellulose, agent émulsifiant largement utilisé, sur le microbiote et son interaction avec l’intestin. Plus précisément, ces recherches ont démontré que la consommation d’émulsifiants alimentaires induisait la capacité de certains membres du microbiote à rentrer en contact étroit avec l’épithélium – la première ligne de défense du tractus intestinal et normalement stérile.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont aspiré à contrecarrer les effets délétères induits par la consommation d’émulsifiants en fortifiant l’épithélium intestinal grâce à l’utilisation d’Akkermansia muciniphila, pour laquelle il avait précédemment été identifié un impact bénéfique sur les interactions entre hôte et microbiote intestinal. De plus, ce membre du microbiote intestinal humain a été trouvé comme état diminué dans son abondance après la consommation d’agents émulsifiants, suggérant qu’il pourrait faire partie de l’équation liée à l’impact préjudiciable de ces additifs sur la santé intestinale. Des groupes de souris ont reçu des agents émulsifiants par le biais de leur alimentation, supplémentée ou non avec une dose journalière d’Akkermansia muciniphila. Les scientifiques ont observé que, tandis que la consommation chronique d’agents émulsifiants alimentaires était suffisante pour induire une inflammation chronique associée à des altérations du métabolisme et une hyperglycémie, les souris recevant Akkermansia muciniphila étaient totalement protégées contre de tels effets. L’administration d’Akkermansia muciniphila a été suffisante pour prévenir l’ensemble des altérations moléculaires normalement induites par la consommation d’agent émulsifiant, incluant le rapprochement des bactéries de l’épithélium.

Pour conclure, ce travail conforte la notion que l’utilisation d’Akkermansia muciniphila en tant que probiotique pourrait être une approche pour maintenir la santé métabolique et intestinale contre les stress modernes qui promeuvent l’inflammation intestinale chronique, et les conséquences néfastes qui en résultent, tel que les agents emulsifiants. De plus, cela suggère que la colonisation intestinale par Akkermansia muciniphila est en mesure de dicter la propension individuelle à développer des désordres intestinaux et métaboliques suivant la consommation d’émulsifiants.

En savoir plus

Akkermansia muciniphila counteracts the deleterious effects of dietary emulsifiers on microbiota and host metabolism. Noëmie Daniel, Andrew Gewirtz, Benoît Chassaing.  Gut, 16 janvier 2023 - DOI : 10.1136/gutjnl-2021-326835

 

Cette publication a fait l'objet d'un communiqué de presse conjoint Inserm / CNRS / Université Paris Cité, repris par divers media : LesEchos.fr, France 5, France Bleu, France Info, Lequotidiendumedecin.fr, Francetvinfo.fr, ...

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Benoit Chassaing

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